Vanya s'appelle Ivan.
N'allez pas chercher la logique qui détermine le choix des surnoms en Russie, puisque ces derniers ne sont en rien des diminutifs.
Vanya donc. Né sur le sol russe, crie pour la première fois dans un hôpital moscovite alors qu'au dehors la neige commence à peine à dégeler la capitale. Premier enfant d'un couple richissime, il est aussi le plus choyé de la clinique. Son père n'est pas qu'un simple millionaire, il a le pouvoir, comme beaucoup d'autres au temps sacré des oligarques. Corrompu, il côtoie le maire et le mafieux à la même table.

Sa mère ne savait pas s'occuper d'une simple plante verte. Pleine d'amour, mais surtout pour elle-même, elle se contentait de jouer avec le poupon que le ciel lui avait apporté avant de le laisser aux nourrices lorsque, lassée, elle désirait se détendre avec ses amies.
Vanya est son accessoire préféré, son trophée. L'assurance d'un mariage qui la laissera voguer dans les hautes sphères du pouvoir russe. Cette sphère qu'elle a atteint difficilement, au prix de son corps, de son intégrité et de son honneur. Elle, la simple fille jolie de la campagne qu'un type avait ramené, comme tant d'autres.
Elle avait simplement eu plus de chances. Sa vie, elle l'avait gagnée, elle ne voulait pas la sacrifier, pas même pour l'enfant qu'elle avait conçu avec son oligarque de mari. Il pouvait désormais la tromper autant qu'il le voulait, elle était certaine d'avoir une place éternelle dans le lit marital.

Bien sur, elle ne méprisait pas son fils. Il était la chair de sa chair. L'héritage de sa beauté diaphane, de sa grâce naturelle. Féminin, il évoluait dans l'espace avec la délicatesse d'une danseuse. Elle le laissa s'exprimer, s'ils étaient riches ce n'était pas pour vivre enchaînés. Son fils pouvait bien jouer aux poupées, manger des cookies ou demander un cheval s'il te désirait. C'était possible. C'était simple, il suffisait d'une carte bleue et d'aboyer un ordre.

Son père était froid, distant, absorbé par son travail. Passionné par l'argent qu'il avait récolté sur le corps sans vie d'une URSS qui l'avait étouffé pendant son enfance. Il regardait son premier enfant avec une certaine fierté. Il était né avec une cuillère en or dans la bouche, n'aurait pas à se débattre dans la boue avec ses comparses qui brillaient par leur médiocrité. Il pourrait être vulgaire, demander la lune, il avait assez d'argent pour le faire.

Vanya grandit sans grande notion de rien. Jusqu'à Katia. La perle au sourire constant. Il ne pouvait se résoudre à être blasé par ses petites mains potelées qui se tendaient en avant pour attraper tout ce qui osait passer sous son nez. Elle riait d'un rien, et lui restait a côté un peu septique. Du moins au début. L'affection arriva rapidement, qui se transforma en véritable amour. Une notion qui n'était que très vague dans la famille, qui au temps de son enfance avait déménagé loin de sa patrie.

Les Etats-Unis. Malgré son peu de souvenirs relatifs au pays rouge, Vanya ne pouvait s'empêcher de trouver les états-unis particulièrement grossiers. Tout y était en taille XXL, du jus d'orange jusqu'à son professeur. La fin de son enfance marqua le passage à l'adolescence du jeune russe qui opta pour un style définitivement féminin. Travesti, même. Pourtant, il ne s'attribuait aucun genre, ni aucun combat. Il se contentait de faire face aux moqueries et brimades de ses camarades.

Arrivé à l'age de 14 ans, Vanya vit grimper sa côte de popularité. Naturellement, sans forcer, sans le moindre effort. Son sens de la mode, naturel, se conjuguait à une nature facile et douce. Serviable sans trop l'être, il était de toutes les bonnes fêtes, mais aussi assez ferme pour ne pas laisser les autres devenir un problème. Malheureusement pour le grand roux, sa popularité avait un revers. Un garçon.

Ni connu, ni passe-partout. Il s'agissait d'un américain de l'équipe de football. Malheureusement pour Vanya, ce dernier adopta un comportement obsessionnel envers l'androgyne. Tantôt amical, tantôt insultant, il jouait sur le chaud froid, retournant le sang du russe dans les veines de ce dernier. Un véritable jeu qui tira sur la patience d'Ivan. Bien sur, on avait moins de chance de gagner contre un footeux quand on pesait moins de 55 kilos et qu'on portait des talons. La boule au ventre, le roux ne sut jamais s'imposer auprès du blond qui s'appliquait soigneusement à toujours le pousser dans ses derniers retranchements.

Il apprit à ses dépens qu'il n'y avait pas besoin de mots ou de coups pour meurtrir quelqu'un. Une présence, lourde. Se sentir suivi, savoir qu'on était observé suffisait parfois à enlever tout sens commun. A mesure que le roux gagnait en nervosité, le sportif se parait d'un sourire fier, incroyablement satisfait de l'ascendance qu'il avait sur lui. Et ce, sans même briser la moindre règle, la moindre loi. Il ne suffisait que d'être dans les parages, appuyer un regard, bousculer sans violence. Se retrouver aux mêmes endroits, aux mêmes moments.

Le manège dura un an. Bien assez pour ôter tout son caractère à Ivan. Le jeune adolescent se renferma sur lui-même, à la limite de la paranoïa. Ses quelques amis essayèrent de l'aider, en vain. Seule son arrivée dans les grades supérieurs le sauvèrent de l'emprise de son harceleur. Si son téléphone continuait de sonner de temps à autres pour lui rappeler que le blond n'était jamais loin, il retrouva enfin un certain équilibre.

L'entrée a l'académie fut mouvementée. Passionné par la danse, le roux n'avait jamais réalisé qu'il pouvait désormais developper son potentiel au maximum. Et pourtant. Les possibilités offertes par le bâtiment, les installations et les professeurs lui permirent d'apprendre plus rapidement encore les techniques propres à son art. Il était naturellement doué, mais très dispersé lorsqu'il s'agissait d'apprendre ou retenir quoi que ce soit.

Il était désormais en terminale. Sa petite soeur avait aussi rejoint les rangs du prestigieux établissement et il passait plus de temps à veiller sur elle que le nez dans ses cours. Surdoué, oui, mais pas le plus travailleur. D'un naturel nonchalant, il ne révisait que les matières qui lui plaisaient le plus, délaissant les autres avec dédain. Il fallait dire que son avenir, était, de toutes façons déjà écrit. L'école était une formation de la vie. Une niche à contacts et un moyen de s'exprimer et s'assurer aux yeux du monde.

Vanya est d'un naturel relativement enjoué. Parfois complètement déchainé, il se démarque par sa nature enjôleuse. Malgré une faible capacité à sourire - héritage de ses racines russes- il semble profiter de la vie a tout les instants. Passionné par le luxe, le confort et les avantages apportés par l'argent, il avoue être vénal sans le moindre complexe. Pas non plus vulgaire, il ne manque jamais de respect envers les autres. Vanya profite de ce que la vie lui offre avec plaisir, dévorant chaque instant avec parfois un certain recul lié à son enfance où rien ne lui a été refusé. Heureusement pour lui, cette éducation ne lui a pas valu son âme et il peut encore s'émerveiller de nombreuses choses, sensible même à la simplicité si cette dernière étonne, ou apporte quelque chose.
Vanya aime également apprendre. Assoiffé, il peut s'intéresser à tout ou à n'importe quoi. Ou n'importe qui. Ca pour lui, l'homme, de manière générale, est le premier vecteur de connaissances. Savoir prendre le temps d'écouter l'autre, de le considérer lui apporte bien plus que tout les livres, toutes les émissions du monde.